ACTIONNER L’INTERRUPTEUR

LA PROPOSITION DU QUÉBEC D’ÉLIMINER LES MOTEURS À COMBUSTION INTERNE DU MARCHÉ POSE DES PROBLÈMES AUX RÉPARATEURS

ARTICLE DE SARAH PERKINS

David Brodeur, propriétaire et président de Carroserrie All-Star Magog.
Sébastien Thibault, copropriétaire de Carrossier Procolor Cabano.

Au début du mois d’août, le ministère québécois de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs a déposé un projet de règlement visant à interdire complètement la vente et la location de nouveaux véhicules à moteur à combustion interne (VMCI) à partir de 2035.

Le projet de règlement vise les nouveaux véhicules légers à combustion de l’année modèle 2034 et des années antérieures, a déclaré le gouvernement provincial du Québec. Ces véhicules ne pourront plus être vendus ou loués dans la province à partir du 1er janvier 2035. Pour les véhicules de l’année modèle 2035 et suivantes, il sera interdit de les vendre ou de les louer au Québec, qu’ils soient neufs ou usagés.

« Ces interdictions s’appliqueraient à tous les acteurs de l’industrie, y compris les commerçants physiques ou en ligne, ainsi qu’aux citoyens », souligne le gouvernement. Après une période de consultation publique de 45 jours, le projet de règlement sera révisé et republié dans sa forme finale, « en vue d’une entrée en vigueur souhaitée au plus tard le 31 décembre 2024. »

Frédéric Fournier, conseiller en communication et porte-parole régional, ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, a déclaré : « La norme sur les véhicules à émission zéro (VZE), qui sera renforcée d’ici la fin de l’année, permettra d’atteindre l’objectif de deux millions de véhicules électriques (VE) sur les routes du Québec d’ici 2030, et poussera les ventes de VZE vers l’objectif de 100 pour cent d’ici 2035 ».

Une distinction importante pour M. Fournier est que « la norme VZE, qui établit un système de crédit pour stimuler l’offre de véhicules électriques, n’interdit pas la vente de véhicules à moteur à combustion interne (VMCI). Avec le projet de règlement, nous allons plus loin en prévoyant l’interdiction de la vente de nouveaux véhicules à essence en 2035. Le projet de règlement nous permet également de faire davantage pour minimiser la lutte contre le changement climatique, la protection de l’environnement et la santé et la sécurité des personnes et des biens ».

Interrogé sur le succès potentiel de ce mouvement vers l’électrification, M. Fournier a souligné que « le Québec est déjà la deuxième juridiction la plus populaire en Amérique du Nord pour les VE avec une part de marché de 22,1 pour cent au premier trimestre 2024, derrière la Californie à 24,8 pour cent. Nous pensons qu’avec les mesures déjà en place, le changement est déjà en cours. Le projet de règlement achèverait la transition vers les VZE et assurerait ainsi la décarbonisation du parc de véhicules légers. Cette transition est une étape importante pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

En outre, lorsqu’on lui a demandé quand l’impact de cette transition commencerait à se faire sentir dans la province, M. Fournier a indiqué que le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs ne pensait pas que l’impact serait soudain.

« Même en 2035, les consommateurs pourront toujours utiliser et vendre les véhicules à essence d’occasion déjà en leur possession. La norme VZE étant en place depuis 2018, cela encourage les constructeurs automobiles à vendre de plus en plus de VE chaque année. »

M. Fournier a également souligné que le Québec n’est pas le seul marché à se fixer un tel objectif en matière de VE.

« Plus d’un tiers du marché nord-américain, en particulier la Colombie-Britannique et la Californie, et l’Union européenne, ont mis en place des réglementations visant à atteindre 100 pour cent de ventes de VE d’ici 2035.

« En Norvège, un marché semblable à celui du Québec en ce qui a trait à la population, au climat et aux distances à parcourir, les ventes de VE devraient dépasser 90 pour cent d’ici 2024. Avec le développement des technologies attendu au cours des dix prochaines années, les futures réductions de prix liées à la production de masse et à la baisse des coûts des batteries, il est parfaitement possible de maintenir l’interdiction de vendre des véhicules à moteur à combustion d’ici 2035. »

En s’adressant à l’industrie de la réparation de carrosserie, Sébastien Thibault, copropriétaire de Carrossier Procolor Cabano à Témiscouata-sur-le-Lac, au Québec, a déclaré que même s’il croit que les véhicules électriques « deviennent plus efficaces et s’adaptent de mieux en mieux au climat québécois », il craint que 2035 ne soit une année irréaliste pour l’électrification de tous les nouveaux véhicules vendus dans la province.

M. Thibault a donné l’exemple suivant : « Ici, dans la région, nous avons plusieurs travailleurs forestiers qui n’ont pas accès à des bornes de recharge dans leurs zones plus rurales, et pour cette clientèle, il semble impossible que les véhicules électriques soient entièrement prêts d’ici 2035. »

« Je m’inquiète des problèmes potentiels liés à l’autonomie de recharge et je considère qu’il s’agit là d’un obstacle qui pourrait contraindre le gouvernement à faire marche arrière avec cette annonce. Je doute fort que notre réseau électrique soit prêt à accueillir tous les VE. »

« Un autre facteur à prendre en compte est celui des constructeurs : seront-ils prêts à livrer tous leurs véhicules d’ici à 2035? Les consommateurs pourraient chercher à se débarrasser de leurs vieux véhicules, ce qui exercerait une pression sur les recycleurs et l’environnement. »

Cependant, malgré ces inquiétudes, M. Thibault note que Carrossier Procolor Cabano a déjà constaté une augmentation du nombre de véhicules électriques nécessitant des réparations.

« À mon avis, les subventions mises en place par le gouvernement du Québec pour l’achat de VE ont grandement facilité les ventes jusqu’à présent. »

« Je crois aussi que plusieurs consommateurs tenteront de profiter des subventions en place pour acheter un VE avant 2035. En parlant avec plusieurs clients, j’ai appris que l’économie de carburant n’est pas à négliger ici, dans la région, lorsque vous avez de longues distances à parcourir pour le travail ou les loisirs. Je pense que ce phénomène, ainsi que l’annonce récente de l’interdiction par le gouvernement, contribuera à pousser les consommateurs vers les VE de plus en plus à l’approche de 2035. »

Ainsi, pour M. Thibault, en ce qui concerne l’industrie de la réparation de carrosserie, cette transition présente une courbe d’apprentissage abrupte, même si l’échéance finale n’est encore que dans dix ans. « Les centres de réparation de carrosserie devront offrir une formation poussée à leur personnel et acheter de l’équipement spécialisé. Cela représente un investissement important en temps et en argent pour les ateliers ».

M. Thibault affirme que Carrossier Procolor Cabano est prêt à prendre en charge les réparations liées aux VE. « Mais nous savons que tous les ateliers ne sont pas dans la même situation que nous », a-t-il ajouté.

Bien qu’il reconnaisse la nécessité des véhicules électriques et leurs avantages, les inquiétudes concernant les fondations nécessaires pour les consommateurs et les réparateurs signifient que, bien qu’inévitable, à ce stade, « il n’est pas réaliste d’arrêter complètement de vendre des véhicules à moteur à combustion interne en 2035, considère M. Thibault.

David Brodeur, propriétaire et président de Carrosserie All-Star Magog à Magog, au Québec, est d’accord avec les préoccupations de M. Thibault quant à l’électrification complète de la province d’ici 2035.

Plus précisément, M. Brodeur a déclaré à Collision Québec que le gouvernement devrait mieux réglementer les normes environnementales. « Je ne suis pas convaincu que cette interdiction sera maintenue. Nous voyons de nombreux fabricants investir des sommes importantes dans des solutions alternatives à l’électricité. J’imagine que les constructeurs vont aussi développer des moyens pour que les véhicules à moteur à combustion interne respectent mieux les normes environnementales. »

Malgré ces craintes, M. Brodeur reconnaît que « si c’est la loi, les gens n’auront pas d’autre choix que de la respecter ». Néanmoins, M. Brodeur estime que toute transition devrait s’accompagner d’efforts accrus en matière d’éducation afin que tous les niveaux de l’industrie, des réparateurs jusqu’aux consommateurs, puissent s’adapter en douceur.

« Les gens doivent faire leurs choix pour les bonnes raisons et en fonction de leur réalité de vie, et non parce qu’ils y sont contraints. Je pense qu’au cours des prochaines années, les gens se préoccuperont de la valeur de revente positive ou négative de leurs véhicules. »

Tout comme M. Thibault se prépare déjà à l’électrification, Carrosserie All-Star Magog se prépare également à une transition vers les véhicules électriques.

« Cela ne fera pas une grande différence [chez All-Star Magog] parce que nous nous sommes spécialisés dans les VE il y a un certain temps. Mais pour beaucoup, ce sera une course pour rattraper la technologie de ces nouveaux véhicules et être en mesure de les réparer correctement. »

« La réalité est que les véhicules électriques restent très différents à réparer et que leur manipulation peut être très dangereuse pour les non-initiés, tant pour le réparateur que pour le propriétaire des véhicules électriques mal réparés.»

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